29 Mai 2014
Christiane m'a dit : " Christ entre en gloire"! Oui, et avec un corps humain! Cette fête signifie ce que Rilke affirmait avec force: 'n'oubliez jamais que vivre est gloire[1]! " Quelle gloire ? Le Christ nous l'indique: "Vous allez recevoir une puissance, celle du Saint Esprit qui viendra sur vous. Vous serez alors mes témoins…jusqu'aux extrémités de la terre (Ac 1,8). " Notez que le témoignage dont parle ici le Christ est avant tout celui de sa mort et de sa résurrection, l'éclatement de la gloire de la vie sur la mort. Témoignage d'une Puissance en nous, puissance de redressement, force pour se mettre debout, énergie résurrectionnelle. Gloire de notre divino-humanité, c'est ce que nous apportera en plénitude l'Esprit Saint à la Pentecôte, l'Esprit Saint "trésor de grâces et donateur de vie qui vient et demeure en nous." Mais aujourd'hui en ce jour étrange de l'ascension, que ressentons-nous? Est-ce bien la gloire triomphale? Alors différente de celle du gagnant, du puissant invulnérable. Nous le savons l'ascension est liée à l'entre-deux, l'attente du Shabbat. Avec de la joie et de la perplexité.
Joie: Avec cette joie légère qui accompagne la préparation des grandes fêtes : belle table, arranger la pièce, nous n'y sommes pas encore, la descente du feu du Saint Esprit doit encore avoir lieu, mais déjà nous nous réjouissons. Joie malgré que le Christ nous quitte. (Note en marge "Je ne vous laisse pas orphelins, un paraclet viendra" Jn).
Perplexité: Quel curieux vide: Christ est parti! Qui nous rend d'abord seuls et perplexes. Le Saint Esprit n'est pas encore là! C'est comme quand nous nous sentons à la fois remplis de doutes, désorientés mais néanmoins pleins d'espérances. (Note en marge : "Pourquoi sommes-nous troublés, pourquoi la chair aveugle- t - elle notre esprit?). C'est l'expérience de Job. Job se sent abandonné, frappé par mille malheurs, son image rassurante du 'Bon Dieu' s'est effondrée. Sa femme, ses amis lui donnent des bons conseils (abandonne ce Dieu injuste) ou des soi-disantes explications (tu es frappé du malheur parce que tu as péché). Mais lui tient bon et dans la plus terrible (deuil) incertitude, il dit: "malgré tout je t'aime!" (Force) et ayant écouté toutes ses représentations de Dieu (plus ou moins idolâtriques) il fait confiance, il arrête d'attendre que Dieu soit comme il attendrait qu'il soit. Il se vide de Dieu et alors il peut dire " mes yeux ont t'ont vu!" -Foi adulte, élan, risque, ouverture, gloire-
Joie de l'attente dans le vide, d'une confiance aveugle sereine: Christ est parti. L'Esprit Saint n'est pas encore là mais nous vivons (la foi allègre, légère, de l'attente. Et dans cette fine joie il y a toute la gloire) d'une foi sans certitude , d'une confiance gratuite, d'un amour totalement désintéressé, d'une foi sans consolation, d'une expérience intime de la résurrection comme élan intérieur, comme dynamisme mobilisateur, malgré les freins de l'apparence médiocre ou ténébreuse, n'oublions jamais que vivre est gloire même sans assurance visible, sans consolation sensible, sans certitude en bêton armé. Gloire non d'un pouvoir invulnérable et triomphal mais gloire de la gratuité, de la légèreté, foi au-delà des apparences qui s'appellent deuil, maladie, opération, handicap, déception, menaces, manque. Confiance impalpable, intangible d'une foi inexplicable qui nous vient d'un Dieu inexplicable mais tellement présent.
[1] Homélie prononcée le jour de l'ascension en 2011, jour ou Antoine est né au ciel de manière tragique, le père Jean-Thierry a changé le mot gloire qui est dans son texte manuscrit en foi. (Homélie tapée à partir d'un texte manuscrit par Emile Meunier et qui n'a jamais été prononcée)